Une réglementation spécifique pour un risque climatique devenu structurel
Jusqu’alors, la gestion des fortes chaleurs reposait principalement sur des recommandations de l’administration ou de l’INRS. Le décret du 27 mai 2025 inscrit désormais ce risque dans le Code du travail avec une exigence renforcée de prévention, en particulier dans les secteurs exposés comme le BTP, la logistique ou l’agriculture.
Cette nouvelle réglementation impose aux employeurs d’évaluer le risque chaleur dans leur Document Unique d’Évaluation des Risques Professionnels (DUERP). En cas de non-respect, l’inspection du travail peut prononcer une mise en demeure.

Le lien entre vigilance météo et mesures obligatoires
La nouveauté majeure réside dans la reconnaissance officielle des niveaux de vigilance météorologique (vert, jaune, orange, rouge) établis par Météo France. À partir du niveau jaune, un épisode de chaleur est considéré comme intense au sens réglementaire. Cela déclenche l’obligation de mettre en œuvre des mesures concrètes pour protéger la santé et la sécurité des salariés.
Des mesures de prévention concrètes à adopter
Voici les mesures que les entreprises doivent mettre en place dès que le niveau de vigilance atteint le seuil :
• Adaptation de l’organisation du travail pour limiter la durée et l’intensité de l’exposition (ex : privilégier les heures fraîches comme 6h–13h).
• Augmentation, autant que possible, de l’eau potable fraîche à disposition des travailleurs. En cas d’absence d’accès à l’eau courante, l’employeur se doit de mettre à disposition au moins 3 litres d’eau potable et fraîche par salarié et par jour.
• Organisation de pauses régulières dans des zones fraîches, ombragées ou climatisées.
• Mettre à disposition des équipements adaptés : couvre-chef, vêtements respirants et/ou clairs, protections solaires, brumisateurs, isolation thermiques, pare-soleil, etc. Toutefois, les EPI spécifiques à certaines activités comme le casque priment ne peuvent pas être ôtés lors des épisodes de fortes chaleurs. L’employeur doit prendre en compte cette contrainte pour les salariés concernés.
• Réduction des tâches physiques pendant les heures chaudes.
Pour les entreprises du BTP, des mesures spécifiques ont été prises. En effet, ce secteur d’activité bénéficie de l’indemnisation des arrêts de travail lors des périodes de canicule, soit les périodes de vigilance orange et rouge indiquée par Météo France. Consultez ici la météo à jour.
L’intégration dans le DUERP : une étape incontournable
La prévention des risques liés aux fortes chaleurs passe désormais par une analyse formelle dans le DUERP. Ce document devient l’outil de référence pour anticiper et encadrer les épisodes de chaleur intense qui peuvent impacter la santé des salariés.
Concrètement, les entreprises doivent intégrer à leur DU le risque de chaleur. Et y recenser les situations de travail susceptibles de porter atteinte à la santé et à a sécurité des travailleurs, évaluer les impacts potentiels et définir des mesures correctives et préventives adaptées.
• Pour les entreprises de 50 salariés et plus, ces mesures doivent être intégrées au programme annuel de prévention des risques professionnels et d’amélioration des conditions de travail (PAPRIPACT).
• Pour les structures de taille plus modeste, les actions doivent figurer directement dans le DUERP, avec un suivi rigoureux et actualisé.
Il est également impératif d’adapter les mesures de prévention aux travailleurs les plus vulnérables, comme les jeunes de moins de 18 ans, les femmes enceintes, ou encore les personnes souffrant de pathologies chroniques. Ces ajustements sont essentiels pour garantir une véritable protection de la santé et de la sécurité des salariés, conformément aux obligations renforcées par la réglementation sur les fortes chaleurs.
Formation, information, droit de retrait : des droits renforcés
La prévention des risques liés à la canicule ne peut être efficace sans une politique claire d’information et de formation des salariés. L’employeur doit s’assurer que chaque travailleur est sensibilisé aux dangers liés à la chaleur (déshydratation, coups de chaleur, fatigue…), ainsi qu’aux bons réflexes à adopter en cas de malaise ou d’alerte météo.
Cette information obligatoire peut prendre plusieurs formes : affichage dans les zones concernées ou aux emplacements lisibles pourque les salariés exposés y ait accès, emails d’alerte quotidien, ou briefing quotidien avant la prise de poste. Des supports pédagogiques sont également mis à disposition sur le site de l’INRS pour aider les employeurs à communiquer efficacement sur les mesures de prévention.
Enfin, le droit de retrait est rappelé et renforcé dans ce nouveau cadre réglementaire : tout salarié peut interrompre son activité s’il estime que son environnement de travail présente un danger grave et imminent pour sa santé, ou pour sa vie.
Une bonne gestion des canicules et des épisodes de chaleur intense en entreprise, via des outils comme le DUERP, permet d’éviter ces situations et de sécuriser à la fois les collaborateurs et l’activité.
Une opportunité pour renforcer votre culture prévention
Outre son aspect réglementaire, cette aussi une opportunité stratégique pour renforcer la culture prévention au sein de l’organisation, à travers une meilleure anticipation des risques climatiques et une prise en compte concrète des enjeux du monde du travail, liés à la protection de la santé et de la sécurité des salariés.
La mise à jour du document unique devient un levier de dialogue entre les différentes strates des entreprises : QHSE, RH et opérationnels. Il permet d’identifier les postes les plus exposés, d’évaluer les impacts des fortes chaleurs sur les salariés, et de construire des plans d’actions adaptés. Ce travail d’analyse contribue à une gestion plus proactive des situations critiques, et favorise un climat de confiance avec les équipes, qui se sentent considérées, et donc mieux protégées.
De plus, ces nouvelles obligations peuvent être l’occasion de mettre en place ou renforcer des dispositifs de prévention des risques transversaux : plan canicule, protocoles de secours, partenariats avec des services de santé au travail, programmes de sensibilisation aux effets de la chaleur… Autant d’initiatives qui participent à construire une organisation résiliente, capable de s’adapter aux défis climatiques. Le tout en assurant la continuité d’activité, la viabilité et la pérennité de l’entreprise.
En bref, ces nouvelles règles sont bien plus qu’une simple mise en conformité : elles marquent une évolution durable des pratiques de prévention, en plaçant l’humain et la sécurité des salariés au cœur des décisions.